• Prologue ~
    Playlist : https://www.youtube.com/watch?v=rmj3iU36Mmw

    La pire des punitions est d'exister sans vivre.-Victor Hugo

    Le docteur ne peut se retenir de lâcher un cri de stupeur. Incrédule, mes yeux se détournent rapidement vers le pèse personne, mais au lieu de relever la tête, je reste stoïque, immobile comme pétrifié. C'est l'horrible réalité qui me rattrape, et je n'ai plus d'autre choix que de l'affronter. Mais bien pire encore m'attend. Le docteur me fait allonger, et disparaît derrière le maigre paravent. Je tend l'oreille malgré moi, malgré ma peur d'entendre la vérité.
    Madame, je suis sincèrement désolée, mais je crains de ne pas pouvoir attribuer à votre fille la licence nécessaire à votre fille pour qu'elle poursuive la natation. Vu son poids et son état, c'est beaucoup trop risqué.>>
    Je reste pétrifiée. Je ne peux pas arrêter la natation. S'il vous plaît. C'est tout ce qu'il me reste de quelqu'un que je ne retrouverai jamais. Ne me prenez pas ça. Je vous en prie.
    Ma mère demeure silencieuse. Je l'ai vu déjà se lever, rouge de colère en criant que le médecin est incompétent, que je vais très bien et qu'on ira en trouver un autre. Mais elle demeure silencieuse, et je sens mes maigres espoirs qui fondent comme un bonhomme de neige au soleil. Je me lève brusquement. Je ne peux pas laisser faire ça. Silencieuse, je surgis derrière le paravent, le visage inondé de larmes. Ma mère me regarde d'un air que je ne connaissais pas jusqu'à présent. Un regard agressif, presque écœuré. Je comprends qu'elle ne contestera pas, qu'elle acceptera bêtement la réalité. Réalité que je n'ai pas voulu regarder en face depuis toutes ces années. Et alors que je mettais mon manteau, je me vois. Je me vois dans la glace.
    Et je réalise malheureusement que je viens de perdre tout ce qu'il me restait. L'amour maternel, la natation et toutes mes illusions.
    ~


    1 commentaire
  • Playlist : https://www.youtube.com/watch?v=_fNg3qHdEcY
    Chapitre 1 ~

    Il y a le visage que vous montrez à tout le monde ; celui que vous montrez à vos amis et famille ; et celui que vous ne montrez à personne, qui est votre véritable personnalité. ~ Proverbe chinois.


    J'arrive dans la cour, d'un pas sur, décidé, affichant mon perpétuel sourire. Personne ne pourrait deviner la déferlante de sentiments en moi. Mais c'est justement la seule chose que j'aime chez moi ; je ne montre à personne ce que je ressens vraiment. Sentant les larmes monter, je m'efforce de ne plus y penser et me dirige d'un pas décidé vers Amandine et Clémence, qui semblent vraiment impressionnées de mon allure trop sûre de moi. Il est sûr que ça ne me ressemble vraiment pas... Mais quand je suis en face d'elles, c'est le blanc total. Pour briser la glace, je lance tout à trac un "salut" enjoué et rieur, comme si les évènements de la veille ne m'avaient pas assez émue. Mais j'ai à peine le temps d'en placer une que la cloche sonne, et je me hâte d'aller en cours, désirant au plus vite mettre un terme à notre brève discussion.


    Ce n'est qu'en entrant dans la cour que je me souviens brutalement. Chaque année, le collège organise une "semaine de prévention" où débarquent des intervenants débiles qui viennent nous expliquer des choses que l'on sait déjà. Sauf que le problème, et que cette année c'est une diététicienne. Je ne suis pas prête à ça. Je ne veux pas. Stoïque, je m'assois silencieusement à ma table. Le pire est à venir, et je ne veux pas être une nouvelle fois confrontée à la réalité. En cette rentrée pluvieuse, toute mon année se joue aujourd'hui. Je ne veux pas revivre cette quatrième effroyable. Je ne peux pas revivre ça. Sans natation, je ne pourrai pas.
    Je ne prête aucune attention au chahut qui règne dans la classe. Je ne remarque même pas ma voisine et c'est seulement quand elle adresse à sa copine un "oh ! J'ai tellement grossi pendant l'été !" que je me retiens de la gifler. Elle échange quelques mots avec sa copine en riant, tout en m'observant à la dérobée. J'essaie de garder mon sourire narquois, mais c'est vraiment difficile. Je les sens m'observer de la tête en bas. C'est l'arrivée d'un homme qui met fin au calvaire. Il est grand, beau, fin. La trentaine peut être. Mais il n'a rien de passionnant, et c'est seulement quand il m'interroge que je semble émerger. Je me sens frétiller, paniquer bourdonner. Je n'ai même pas entendu sa question et je ne veux pas savoir. Je balbutie, je panique, et finis par me rassoir, croisant les bras, le visage à la fois rouge de colère, d'indignation et de honte. Il détourne le regard et continue de manière imperturbable son cours, mais je ne parviens pas à me calmer. Tout est fichu.
    La cloche sonne comme une délivrance, et il s'en va aussi vite qu'il est arrivé. Les bavardages montent en décibels. Personne ne fait attention à moi.
    Mais Amandine et Clémence ne me demandent même pas comment je vais. Elles restent là à chuchoter en me jetant parfois un tel coup d'œil de temps en temps.
    ~
    Lorsque j'arrive au self, je demeure de marbre. Je ne sais que faire. Tel un automate, je saisis mon assiette d'haricots. Amandine et Clémence sont interloquées devant ma banane, mon grand verre d'eau, mes haricots et mon poisson. Elles me regardent d'un air dubitatif, puis contemplent silencieusement leurs beignets, leurs assiettes de pâtes et leurs verres de jus d'orange. Mais je leur lance froidement :
    -je n'ai pas besoin de votre aide pour changer.
    Sur cette phrase narquoise et hautaine, je saisis mon plateau et vais m'installer seule à une table.

    ~


    1 commentaire
  • La faute du titre est volontaire.

     

    «La paresse peut paraître attrayante, mais le travail apporte la satisfaction» – Anne Frank

    Playlist : https://www.youtube.com/watch?v=3534m2603BY

    Bonne lecture à tous.

    ~

    Chapitre II :
    Amandine et Clémence ne comprennent pas. Chaque fois que je les croise, dans les couloirs, elles me dévisagent d'une mine interloquée. Mais je sais parfaitement que tout ça est faux, et qu'elles n'attendent en réalité seulement que je craque, pour peux être enfin me voir revenir vers elle et pouvoir ainsi, même inconsciemment, me rabaisser en permanence. Elles n'ont aucune idée de tout ce que j'ai pu ressentir depuis 3 ans maintenant. Non, elles n'en savent rien. Je les regarde droit dans les yeux, et je ne dis rien. Tant pis pour elle.
    Le midi, je mange seule. J'ai trouvé une adorable petite table, dans un coin reculé de la cantine, ou je peux manger en paix, sans risquer d'être dérangée. Et puis, je peux le regarder, lui. Avec sa bande de copains, il s'installe toujours face à moi, et même à 25 mètres de lui, je remarque tous ses petits détails. Mais aujourd'hui, c'est différent. Habituellement quatre, ils sont aujourd'hui six. 2 filles se sont installées à côté de lui. La simple perspective de le voir la tenir par la taille me rend malade. Je divague, mes pensées s'entrechoquent. Mon regard est fixé sur eux, dos à moi, seulement à 10 mètres à peine. Son amie l'aperçoit et lance une messe basse à la table en me regardant à la dérobée. Il s'ensuit un fou rire général, et pendant tout le repas, j'aurais droit à des coups d’œil très peu discret, et vraiment désagréables. Lui, il ne se retourne pas, et reste de dos. Au bout d'une vingtaine de minutes insurmontables, ils se lèvent et rassemblent leur plateau.
    Mon regard s'attarde sur les cuisses de sa petite amie. Deux longs et fins bâtons. Je comprends que c'est une fille forte, belle et mince qu'il lui faut, et que je suis à des années-lumière de tout cela. Je jette un bref regard à mon assiette inentamée de riz et les suis silencieusement.
    Le week-end arrive comme une délivrance. Je m'empresse de sortir de l'établissement, afin de ne plus sentir cette odeur de crayons neufs. À peine ai je franchis le seuil de la porte que je suis éblouie par un magnifique soleil couchant. A vrai dire, nous ne sommes que mi-septembre, et l'automne tarde à arriver. Je sens la chaleur du soleil sur ma peau, et une petite odeur d'eau salée. Je ferme les yeux juste le temps d'un instant, juste le temps de capturer l'instant présent.
    ***
    Le lendemain matin, je peine à me hisser hors de ma couette moelleuse. Je jette un rapide coup d’œil à mon réveil. 9h30. Je saute de mon lit et cale confortablement mes pieds dans mes chaussons, avant de me diriger comme un fantôme vers notre cuisine.
    Sur la table, un mot de ma mère, qui me dit qu'elle ne sera pas à la maison avant dix-neuf heures. Je ne peux retenir un sourire de contentement. Ma mère est distante, et je n'ai aucune envie d'être assaillie de questions concernant ce que je vais faire aujourd'hui.
    Ce que je vais faire aujourd'hui, je n'y ai même pas pensé constatai-je en me servant du café. Je peine à trouver une occupation, et je passe en boucle les diverses activités que l'on peut trouver dans le quartier. La plage, ce n'est même pas la peine d'y penser. Je ne remettrai pas un pied sur le sable avant d'avoir accompli mon objectif.
    Un liquide chaud sur ma main vient me sortir de mes pensées. Je pousse un petit cri de douleur. Je me suis brulée. Alors que je rince ma main à l'eau froide, je trouve.
    La piscine.
    Ce lieu me commémorera des moments très difficiles, mais quoi de mieux pour éliminer. Et si je pleure, je n'aurais qu'à plonger la tête dans l'eau pour oublier.

    ~

    Voilà *-*


    1 commentaire

  • Cela fait tellement longtemps que je n'ai pas mis les pieds à la piscine. J'appréhende un peu de devoir me retrouver en maillot de bain, confrontée aux regards critiques et au jugement des autres. Grelottante, je sors du vestiaire, et j'ai le souffle coupé. Il est là, avec ses copains, dans le jacuzzi et ne semble pas remarquer ma présence. Parfait. Je souhaite plus que tout qu'il ne détourne pas le regard sur moi, mais à peine suis-je montée sur le plongeoir qu'il a déjà braqué ses magnifiques yeux verts sur moi. Ses amis éclatent de rire en me voyant. Honteuse, je baisse la tête, mais je rassemble tout mon courage avant d'effectuer un magnifique saut périlleux arrière carpé partiel sous leurs yeux ébahis.
    Je n'entends plus, je ne vois plus.
    Je viens d'entrer dans l'eau et c'est avec une force dont je ne connaissais pas l’existence que j'entame une longueur.
    Lorsque ma tête ressurgit de l'eau, les rires se sont accentués. Je les espionne d'un regard noir.
    Je sors brutalement de l'eau, et je m'avance d'un pas décidé vers le petit groupe, bien décidé à ce qu'enfin ils me fichent la paix.
    Je suis maintenant de dos à ce crétin de Théo, qui lance une blague sur mon ventre. Tous les autres étant face à moi, ils ne rient pas. Ils me fixent d'un regard effaré.
    Théo, incrédule, se retourne face à moi et se lève. Je rassemble ce qui reste de ma fierté, et je le gifle de toutes mes forces. Théo ploie sous le coup, et avant de m'éloigner, je lance à toute l'assemblée :
    - ça, c'est pour ta vanne débile sur mon ventre.
    Je fais volte-face, laissant Théo, ses amis et lui interloqués. Je retourne au plongeoir d'un pas ferme et rapide, et j'effectue un carpé fermé digne d'une joueuse olympique.
    Et pendant les 2 heures qui suivent, je nage, je nage encore, je nage plus vite. Je me vide la tête, je ne pense à rien, je me concentre sur ma performance. Hors d'haleine, je fais environ 2 kilomètres à la nage, ce qui est l'équivalent de 80 allers-retours. Et c'est satisfaite que je me hisse hors de l'eau, un sourire satisfait à la bouche, le même sourire que j'affichais encore il y a un an. Mais c'est en l'apercevant que je me glace. Il est là, lui. Et il semble attendre. C'est en m’apercevant que son visage fin s'éclaire, et il s'approche de moi avec une grâce inégalable. Il est si beau, si rayonnant, que je peine à le regarder dans les yeux. Un silence règne, parfois troublé par des cris d'enfants qui jouent dans la pataugeoire à côté. D'une voix gênée, il me dit :
    - excuse Théo, il peut être vraiment con parfois. J'ai adoré tes sauts, tu fis de la natation .
    - J'en faisais. je réplique, d'un ton anormalement nonchalant.
    Je tente de faire demi-tour pour regagner le vestiaire, mais il me retient par le bras. Un frisson me traverse le corps.
    - Pourquoi à tu arrêtais ? m'interroge-t-il.
    Ma voix se serre dans ma gorge.
    - Ça te regarde ? je lance.
    Je suis étonnée de ma froideur, la phrase est sortie de ma bouche presque inconsciemment. Il affiche une moue désemparée. Mais son regard s'attarde sur mes cuisses, peut-être à il compris . Pitié, faites que non.
    -Excuse moi.
    Je ne sais pas s'il prend ça comme une excuse ou comme si je lui demandais de me laisser passer, mais il s'écarte lentement et j'emboîte le pas avec un seul objectif :
    fuir.

    ~

    Ceci n'est pas Kayla.


    votre commentaire
  • Chapitre 5 :

    «Passé, avenir, pourquoi l’homme ne sait-il vraiment vivre que dans l’une ou l’autre, au mépris du présent ?» – Michelle Le Normand

    Playlist :
    https://www.youtube.com/watch?v=o3VxCAAg9ug
    Bonne lecture à tous.
    ~

    Je cours, je cours toujours plus vite. Lorsque enfin son ombre disparaît dans la nuit, je m'arrête derrière une petite ruelle et tente avec peine de reprendre mon souffle. Toujours haletante, je sors discrètement de derrière les poubelles et alors que je m'apprêtais à appeler un taxi, je jette un bref regard aux vélos derrière moi. Je fouille dans mon sac à la recherche de ma carte, et quelques minutes plus tard, me voilà en selle. Le vent me fouette le visage et mes cheveux encore humides volent au vent, mes pieds s'agitent tout seuls et j'avance, oui j'avance, toujours plus vite. Il se met à pleuvoir, et je constate que les minuscules goutent d'eau qui s'échoue sur mon visage me font presque oublier mes regrets d'hier, mes remords d'aujourd'hui et mon appréhension de demain. C'est à contre coeur que j'arrive chez moi, essoufflée. J'enfile mes guêtres, me prépare un petit chocolat chaud fumant et je vais me caler confortablement dans mon petit canapé, devant la télé.
    Ma vision se trouble, les images perdent soudain de netteté. Puis des petits intervalles de noir arrivent. Et avant même que j'ai pu faire un geste, je m'endors.
    **
    C'est mon réveil qui vient troubler mon sommeil. J'ouvre péniblement les yeux, puis je me hisse hors de mon lit, pour ouvrir mes rideaux fins. Mais au lieu de découvrir la grisaille habituelle, c'est un magnifique paradis blanc que j'aperçois, sur fond de lever de soleil. Je souris et me dirige vers la cuisine, comme instinctivement. C'est st surpr que je découvre inscrit sur le frigo : "Voyage d'affaires improvisé, suis là jeudi. 400 € pour 6 jours, j'espère que ça ira. Kisses, Maman."
    Je soupire. Encore une semaine de solitude qui s'annonce. Je prends mon café sur le canapé, soucieuse. Cette solitude me lasse. Mais malgré mes envies de tout plaquer, je vais dans la salle de bain, comme tous les matins ou j'ai cours.
    J'arrive devant la grille du collège, ou j'aperçois des groupes de filles de mon âge qui papotent et jacassent comme des oies. Je jette un coup d'oeil autour de moi, j'aurai vraiment mieux fait de rester couchée, à regarder ces séries à l'eau de rose en mangeant de la glace allégée en sucre. Mais je suis là.
    Le calvaire peut commencer.
    ~
    J'avoue que j'ai fait plus court qu'a mon habitude sur ce chapitre. En effet, j'hésite beaucoup pour la tournure que va prendre l'histoire et plein d'idées fourmillent dans ma tête. J'ai recommencé ce chapitre trois fois, donc ne vous étonnez pas s'il est moins bien cette fois-ci. Promis, dès que mon scénario est fixé, je me rattrape.


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique